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18 HEURES DE CAISSON

Vendredi 2 octobre fin d'après-midi, les résultats d'examen vont être annoncés après deux jours de stress, pour les 19 candidats, durant lesquels nous avons passé les épreuves du MF1. Tout le monde reste pendu à l'annonce des noms avec à chaque fois le même signe de joie et de relâchement pour les reçus.

Tout était bien organisé, un punch nous attendait dans la salle de restauration, ce qui pour moi et quelques complices annonçait le début des festivités.

Après un bon repas et une douche réparatrice, nous décidâmes tous d' aller boire un verre dans un bar voisin. La soirée fût pleine de champagne et de vin blanc entrelacée d' histoires drôles s' enchaînant les une aux autres, ce qui avait l' air de remonter le moral aux quelques déçus qui partageaient enfin quelques sourires avec nous. Vers minuit les plus raisonnables d' entre nous décident de rentrer se coucher tandis qu' avec un petit groupe nous partons chercher un peu d' amusement dans un pub près du port.

Après un certain nombre de cocktails, quelques danses endiablées rythmées par un orchestre franco-italien et un passage régulier aux toilettes, ce que l' on boit par le haut doit repartir par le bas, nos corps décident qu' il est temps de rentrer car ce matin "on plonge"!!!! Quatre heures sonne et je m' endors comme une masse.

Samedi 3, 7h00, la diurèse fonctionnant apparemment bien chez moi, je me lève avant le réveil que j' avais programmé. Ma forme est celle d ' un lendemain de fête et mon envie de plonger n' est pas franchement présente, mais plutôt celle d' aller avec les copains faire la " dernière" avant de repartir pour la capitale. Une bonne douche, un petit déjeuner copieux et les blagues du matin auront raison de mon envie de retourner me coucher.

La préparation du matériel terminée, nous embarquons, destination les péniches d' Anthéor, lieu semble-t-il propice à la prolifération des congres et murènes. Après 30 minutes de navigation, les manœuvres de mouillage et les consignes données, les palanquées commencent leur mise à l' eau.

La descente se fait le long du mouillage, la visibilité est bonne mais la température me semble plus fraîche que la veille (alerte), 30 mètres plus bas nous entamons le tour de l' éboulis de tôle sans percevoir les murènes et les congres promis en surface. Je décide alors d' explorer les alentours du site en suivant un banc de sars suivi par mes coéquipiers. Après quelques minutes passées à tourner dans les algues nous revenons vers la péniche où congres et murènes commençaient à montrer le bout de leur museau. Mais aujourd'hui la recherche de nouvelles découvertes ne me passionne pas et l' envie de remonter commence à me gagner après 30 minutes passées au fond, j' aime pourtant me balader et fureter dans tous les recoins habituellement. Je fais signe à mes coéquipiers "fin de plongée" et la remontée commence après avoir retrouvé le mouillage.

Bien sur nos ordinateurs nous indiquent à tous des paliers mais pas un seul le même, les temps ayant jusqu' à 4 minutes d' écart en fonction des modèles. Bien entendu nous prenons le temps le plus sécurisant qui est d 'ailleurs le plus proche de celui indiqué par les tables MN90.

Une fois tout le monde à bord, nous nous dirigeons vers la petite collation achetée le matin même pour nous remettre de nos émotions. Saucisson, fromage et autre met sont dévorés avec voracité par toute l' équipe.

Après m' être calé l' estomac, je retourne à l' arrière du bateau pour échanger quelques plaisanteries.

Environ une demi-heure après mon retour de plongée, je ressens un bourdonnement dans l' oreille droite comme si de l' eau était restée à l' intérieur, suivi d' une sensation de fatigue que je mets sur le compte de mon manque de sommeil, puis ma vue me semble trouble sur les objets lointains. Ne voulant alarmer personne sur ce que je pensais être un coup de fatigue passager, je décide de me reposer un peu en m' adossant aux blocs rangés à l' arrière.

Arrivée au port, des voies me disent " allez, réveille-toi, on est arrivé" , et là, plus moyen de me lever, ma tête tourne et je sens que me jambes ne me porteront pas jusqu' au quai. Je signale à la personne la plus proche que quelque chose ne va pas et que l' oxygène serait la bienvenu. Aussitôt tout se met en place, une équipe m' enlève ma combinaison pendant que l' autre m' apporte l' oxygène, une troisième prévient les secours et une quatrième ayant récupérée mon ordinateur fonce au centre pour éditer mon profil de plongée.

Après quelques minutes les pompiers sont arrivés et ont pris le relais en me portant vers un véhicule médicalisé où un médecin nous a rejoint rapidement. Diagnostic, questions et perfusion s' enchaînent jusqu' au moment ou l' on me dit que je vais être héliporté vers le caisson de l' hôpital Font-pré de Toulon.

Arrivé à l' hôpital tout va très vite, radio des poumons, prise de sang, tension et électrocardiogramme se suivent avant mon arrivée au fameux " caisson" . Un nouveau bilan est dressé sur les circonstances de l' accident, l' apparition des symptômes et les différents facteurs autour de la plongée qui pourraient aider à comprendre et mieux diagnostiquer ce qui m' était arrivé . La consultation des différents examens semble montrer une déshydratation importante et un état de fatigue avancé en partie lié à la fiesta de la veille. Les tests continuent et les perfusions aussi, le médecin m' explique que l' oreille est touchée, mais qu' il faut envisager aussi un accident médullaire.

Il veut absolument que j' aille uriner avant de rentrer dans le caisson car les produits qui me sont injectés sont là pour me réhydrater et si l' envi ne vient pas avant 16h00 la sonde est à envisager.

A chaque mouvement la tête me tourne et des nausées font leur apparition.

15h45, je demande enfin à aller aux toilettes, au grand soulagement de tout le monde. Accompagné par l' équipe médicale je passe devant une glace et forte est ma stupeur car j' ai du mal à me reconnaître, mon visage est d' une pâleur cadavérique, mes yeux sont cernés, mon corps tout recroquevillé et des tuyaux semblent être branchés partout dans mes bras.

16h00, première entrée dans le caisson, les explications fusent pour m' expliquer le fonctionnement des instruments de "torture" qui seront mes seuls compagnons pendant les cinq prochaines heures.

Tout le matériel est fourni par la Comex, l' arrivée en oxygène ressemble à un croisement entre un détendeur Mistral et un masque de pilote de chasse. L' intérieur du caisson est rempli de manettes, d' instruments, de trousses de secours et de tout un tas de matériel médical. Près de mon brancard on dépose quelques revues, un "pistolet" médical, une bouteille d' eau et des bacs en cas de nausée.

Mon masque positionné, je regarde la porte du caisson se refermer avec comme seul rattachement vers le monde extérieur deux hublots qui ne me permettent de voir que le plafond de la salle. La descente commence dans un bruit de détendeur fusant à deux cent bars. Je dois équilibrer mes oreilles, mais la sensation est étrange, la peur de "forcer" me fait hésiter à effectuer un Vasalva, j' essaie de bailler, puis la pression augmentant j' insiste, un sifflement me parvient de chaque côté et la faible douleur disparaît.

A dix-huit mètres la pression se stabilise, le vacarme s' arrête et Gérard, l' hyperbariste chargé de la surveillance des opération, souriant derrière le hublot m' annonce "c' est parti pour 3 heures" . Les minutes me semblent interminables, le masque me gêne allant jusqu' à me provoquer des nausées, la température est étouffante et mon esprit se torture par des "pourquoi je suis là" , " pourquoi m' a-t-il parlé de paraplégie" , "est-ce plus grave que ce que j' imaginais" , "ma vie sera-t-elle foutue pour une plongée de trop" , "pourquoi je n ' ai pas écouté ma raison qui me disait de ne pas plonger" . Toutes ces phrases tournent et se mélangent dans ma tête, tous les cours sur les accidents défilent, pourquoi donner des conseils aux autres que l' on applique pas à soi-même?

Trois heures plus tard, "on remonte à onze mètre" me dit Gérard, et le bruit des purges siffle à mes oreilles en créant un peu d' animation dans ma solitude forcée. Les minutes me paraissent de plus en plus longues, mes "nerfs" sont tendus, je commence à m' agiter sur mon brancard et à chaque mouvement ma tête me donne l' impression de vouloir tourner dans tous les sens. Je ne comprends pas, le caisson n' a pas encore fait passé mes vertiges, le bulbe rachidien est-il touché comme me l' avait annoncé le médecin ? Une irrésistible envie de sortir me gagne, après tout je ne vois pas de différence avec le traitement; mieux vaut tout arrêter. Je me calme en pensant à ma femme et mes enfants, en pensant à tous les bons moments passés jusqu' au moment ou le micro m' annonce "c' est fini on remonte" . Je sens comme un soulagement, une grande libération m' envahir et quinze minutes plus tard la porte s' ouvre enfin.

A la sortie d' autres examens m' attendaient et d' autres séances de caisson les jours suivants étaient prévues avec à chaque fois une amélioration de mon état.

Ce qu' il est important de retenir de cette mésaventure, heureusement sans séquelles graves, c' est que tous les témoins d' alerte et tous les facteurs favorisants (fatigue, alcool, déshydratation, etc... ) doivent nous indiquer une conduite plus que sage, car personne n' est à l' abri d' un accident. Tous les moniteurs le savent mais beaucoup comme je l' ai fait pensent qu' ayant déjà plonger dans des conditions identiques, il n' y aura pas de problème, en oubliant qu' avec les années notre corps vieillit et que notre organisme ne réagit pas toujours de la même façon.

Je tiens à remercier toutes les personnes qui m' ont soutenu dans cette épreuve, moi et ma famille, mes amis, l' équipe du stage MF1 et tout le service hospitalier de Font-Pré pour sa bonne humeur.

Serge Falco

 

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